Chers frères et sœurs,
Mes chers compatriotes,
Le 20 juin est la journée consacrée chaque année à la commémoration du courage et de la résilience des réfugiés dans le monde, forcés par la barbarie et l’intolérance des gouvernants à prendre le chemin de l’exil. C’est également l’occasion de faire un bilan sur la situation des réfugiés. Selon le HCR, 65,6 millions de personnes ont été déracinées à travers le monde à la fin 2016, du fait de confits et de persécutions.
Désormais, chez nous au Cameroun, cette commémoration nous rappelle douloureusement les tragédies sanglantes et aveugles, qui ont cours dans les régions du septentrion, de l’Est, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest de notre pays. Ce qui semblait relever de l’impossible est devenu une brutale réalité chez nous au Cameroun.
Le cas des régions anglophones de notre pays est particulièrement préoccupant. En effet, l’incompétence et la condescendance du gouvernement ont conduit à la dégénérescence des revendications corporatistes légitimes en une crise grave, puis en un conflit armé qui ravage les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, jetant ainsi sur le chemin de l’exil, des milliers des Camerounais innocents et sans défense. Les plus chanceux ont réussi à trouver refuge au Nigéria voisin. Je saisis cette occasion pour présenter à ce pays frère et ami toute la gratitude du peuple camerounais, pour l’accueil fraternel qu’il réserve à nos compatriotes en détresse.
Selon l’agence nigériane de gestion des situations d’urgence (SEMA), Plus de 43.000 personnes ont trouvé refuge dans les Etats de Cross River (33.000) et Benue (10.000), depuis le début du conflit dans les deux régions anglophones du Cameroun. À ceux-là s’ajoutent des milliers d’autres établis dans les États de Taraba et d’Akwa Ibom, selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). La même source indique que les femmes et les enfants constituent 80% de cette population, exposée à la mendicité pour certains, à des violences sexuelles et sexistes et à la prostitution pour d’autres. Ces informations accablantes ne peuvent laisser indifférents des dirigeants responsables. Pourtant c’est le cas des dirigeants camerounais. Je suis meurtri par leur insensibilité et leur inaction par rapport à un tel désastre et à de telles souffrances qui martyrisent nos frères et sœurs. À moins qu’ils ne les considèrent pas comme leurs compatriotes, je ne peux comprendre une telle indifférence.
À ces Camerounais des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui sont et demeureront à jamais mes compatriotes, je voudrais témoigner à l’occasion de cette journée mondiale des réfugiés, l’expression de ma profonde sympathie et de ma solidarité face à vos souffrances.
Je ne me suis jamais accommodé de la situation d’abandon dans laquelle vous vous trouvez. C’est pourquoi je ne me suis pas croisé les bras. Depuis le mois de mai dernier, nous cherchons à nous rendre dans les camps de refugiés au Nigéria pour vous apporter notre réconfort. Nous avons engagé des démarches auprès des bureaux du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ainsi que du consulat du Nigéria de Douala. Nous nous sommes également rapprochés d’une Fondation camerounaise de la zone anglophone pour un partage d’expérience relativement à une telle visite. Malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir les garanties de sécurité nécessaires qui nous auraient permis de mener sans un risque inconsidéré cette mission qui nous tient à cœur. Sans découragement, nous continuons à y travailler. Si Dieu le veut, je viendrai d’ici peu vous ramener à la Maison, chez nous, dans notre cher et beau pays.
Mes chers compatriotes, ma préoccupation par la situation critique qui prévaut dans les deux régions anglophones de notre pays, avec toutes ses conséquences, ne date pas d’aujourd’hui. Dès le début de cette crise, nous avions attiré l’attention du gouvernement sur les risques d’une répression aveugle des protestations et d’un glissement vers un conflit armé interne. Hélas ! La mauvaise volonté, le mépris, l’incompétence, voire les calculs politiques des dirigeants ont fini par installer notre pays dans une guerre fratricide désastreuse à tous égards.
Dans l’héritage que le Président BIYA laissera aux Camerounais, il y aura en bonne place la multiplication des fractures politiques et sociales. La guerre civile dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest restera sans doute la blessure la plus profonde à l’unité de notre pays et à la cohésion nationale.
La situation dans ces deux régions anglophones est d’une gravité qui rappelle la tragédie qui frappa dans le passé l’ancienne région de la Sanaga maritime et celle de l’Ouest. Nous croyons qu’elle n’est cependant pas irréversible. En effet, le MRC, à travers le projet que je porte, propose des solutions concrètes, non seulement pour mettre fin au conflit et permettre le retour de nos compatriotes déplacés ou réfugiés dans les forêts et au Nigeria, mais également pour la reconstruction de notre unité nationale :
- Aller sur le terrain à la rencontre de nos compatriotes, essuyer leurs larmes, leur apporter un message de paix, de réconfort et de solidarité;
- Libérer tous ceux qui ont été arrêtés et incarcérés dans le cadre de la crise anglophone;
- Organiser le retour de tous les réfugiés dans leur domicile et leur apporter l’assistance financière et matérielle nécessaires pour leur reconstruction;
- Organiser un dialogue inclusif sur la forme de l’Etat.
J’invite tous les Camerounais, indépendamment de leur chapelle politique, de leur appartenance ethnique ou religieuse, à s’impliquer dans la mise en œuvre de ces propositions en vue d’un retour rapide à la paix dans ces régions, gage d’unité nationale, de la reconstruction et du développement de notre nation.
Aux innocentes populations civiles des régions anglophones en général, je voudrais réaffirmer toute ma solidarité et ma compassion. Vous avez toujours su tout au long de l’histoire de notre pays, faire preuve de patriotisme, d’esprit d’ouverture et d’hospitalité. En cette journée mondiale des réfugiés, je vous exhorte particulièrement, malgré la situation que vous subissez, à garder le même esprit, à résister à la tentation du repli identitaire et au rejet de l’autre auxquels pourrait vous incliner la tragédie que vous vivez.
Le Président national du MRC,
Candidat à l’élection présidentielle.
Maurice KAMTO.
Yaoundé, le 19 juin 2018.