10
Fév 2020

Mes chers jeunes compatriotes,

L’année dernière, depuis le fond de ma cellule du Groupement Spécial d’Opérations, je vous ai fait parvenir un message, à la même occasion. Je vous y disais que la lutte politique pour la libération de notre pays n’est pas un long fleuve tranquille. Cette observation reste vraie malgré ma libération. A ce titre, je voudrais souligner la mobilisation de la jeunesse camerounaise lors des marches pacifiques programmées les 1er et 8 juin 2019, pour exiger ma libération et celle de toutes les personnes arrêtées dans le cadre du Plan National de Résistance.

Malgré les lourdes peines que j’encourais alors, et notamment la peine de mort, des milliers de jeunes à travers le pays n’ont pas hésité à braver les intimidations administratives et policières et ont subi, pour certains, des actes de tortures, et pour d’autres, des peines d’emprisonnement. Cette mobilisation courageuse est la preuve que notre pays peut et doit compter sur sa jeunesse, la preuve que cette jeunesse sait dire NON face à l’injustice, qu’elle est prête à œuvrer pour la libération de notre pays. C’est pour cette jeunesse que nous nous sommes battus jusqu’ici, et c’est pour elle que nous continuons à nous battre, jour après jour, semaine après semaine.

Les camerounais âgés de 0 à 44 ans représentent 87,3 % de la population générale selon l’Institut National de la Statistique (INS). Cela signifie que le changement pour lequel nous nous battons bénéficiera principalement à la jeunesse.

Mais, nous voyons tous au quotidien les mauvaises performances économiques du régime en place. Alors que la jeunesse camerounaise ne demande qu’à travailler, meurtrie et frustrée qu’elle est, sous l’effet du chômage et de la pauvreté. Le régime a décrété, il y a quelques mois, les Régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest et du Sud – Ouest, « Régions économiquement sinistrées ». Pour la première fois depuis plus de 10 ans, le budget de cette année sera inférieur à celui de l’année dernière d’environ 260 milliards. Notre pays, comme nous le constatons, est en train de s’effondrer économiquement, au moment même où le pays a grand besoin de créer la richesse et l’emploi pour sa jeunesse.

Alors que nos bourreaux espéraient que notre engagement pour le Cameroun et sa jeunesse s’essoufflât après notre emprisonnement, notre détermination est restée la même durant tout notre séjour carcéral. Je profite de cette occasion pour dire clairement que je suis encore plus déterminé aujourd’hui. La gravité de la situation du pays nous oblige à redoubler d’effort. Rien ne pourra venir à bout de mon engagement à offrir à la jeunesse camerounaise le bien-être auquel elle a droit. Sur le plan politique, le pays ne se porte pas mieux. Ceux qui prennent des camerounais en otage pour avoir manifesté pacifiquement nous ont présenté l’élection qui s’est tenue hier (9 février 2020) comme une urgence nationale. Nous pensons que NON !

A propos de cette élection, je tiens à féliciter tous ceux qui ont respecté le mot d’ordre de boycott et se sont abstenus à apporter leur caution à la forfaiture du régime de monsieur BIYA. Nous l’avons dit et nous le maintenons, toute élection crédible dans notre pays doit être précédée par la résolution de la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest d’une part, et, d’autre part, par la réforme consensuelle du système électoral.

Nous sommes désormais tous les témoins du triomphe indiscutable de notre appel au boycott qui s’est traduit par une abstention sans précédent dans l’histoire électorale Camerounaise à l’occasion du simulacre de double scrutin d’hier 9 février 2020. Il nous appartient donc à tous de tirer les conséquences de cette énième démonstration faite par le peuple Camerounais du choix qu’il a fait de légitimer une fois de plus ma modeste personne et la cause que je défends dans son seul intérêt. En effet, de façon massive les Camerounais ont par leur boycott dit non à la forfaiture du régime. Les chiffres en notre procession font état d’un taux de participation d’environ 23%, soit 77% de taux d’abstention. Outre les régions du Nord–Ouest et du Sud-Ouest où il n’y a simplement pas eu de vote, dans une ville comme Ebolowa, dans la région du Sud, le taux de participation est d’environ 15%, soit une abstention de 85%. La communauté internationale, celle qui avec condescendance nous a fait des leçons sur le boycott, peut avec le niveau exceptionnellement élevé d’abstention constater le degré de défiance que le régime de M. BIYA a par son incompétence et son irresponsabilité politique installé entre lui et le peuple auprès de qui le MRC se situe. Le double scrutin du 9 février 2020 a été, comme le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018, l’occasion des fraudes sauvages et grotesques alors même que le RDPC avait, en complicité avec l’administration et ELECAM,  pris toutes les dispositions en amont pour sa victoire.

Maintenant que les Camerounais peuvent clairement établir quel est le parti politique qui travaille pour un vrai changement et la libération de notre pays, c’est une nouvelle page de la vie politique qui s’ouvre. Les Camerounais doivent l’écrire avec des acteurs politiques crédibles, modernes, honnêtes, mus par l’intérêt de la Nation et non pas le goût du lucre et du positionnement.

Je l’ai dit, le changement pour lequel nous militons est pour la jeunesse. J’ajoute que ce changement se fera avec la jeunesse et par la jeunesse. C’est l’occasion pour moi de lancer un appel aux jeunes camerounais qui hésitent encore à rejoindre le projet de la Renaissance Nationale. C’est un projet qui va au-delà du MRC. C’est un projet qui concerne toute la jeunesse camerounaise. La Renaissance de notre pays a besoin de la vigueur de sa jeunesse. Je sais que partout dans le pays et même dans la diaspora, notre jeunesse est pétrie de talent et d’intelligence. ENGAGEZ-VOUS DAVANTAGE, VOTRE PAYS A BESOIN DE VOUS ! Lors de la dernière élection présidentielle, les camerounais m’ont élu sur la base du programme politique que je leur ai présenté. Le chantier « Jeunesse et Education » de ce programme prévoit en effet des actions spécifiques à chacune des catégories de jeunes, aussi bien pour ceux qui sont scolarisés que pour ceux qui ne le sont pas. Ainsi, les Centres des Métiers dans toutes les Communes, les Instituts de Formations Professionnels et Technologiques dans tous les Départements sont des cadres dont la mise en œuvre aura une incidence directe sur la baisse du chômage et de la pauvreté. Les Universités des sciences et technologies dans toutes les Régions (ou dans les entités fédérées), le financement par l’Etat de la recherche et des projets techniques ou technologiques sur la base des contrats, permettront à la Nation de bénéficier du fruit de l’intelligence de ses fils et ses filles au niveau du Supérieur. Ce sont là, quelques aspects de ce programme politique relatif à la jeunesse, programme qui met la jeunesse au cœur du décollage économique du pays, aussi bien en tant qu’acteur qu’en tant que bénéficiaire. Ce programme choisi par le Peuple camerounais est celui qui peut sortir notre pays de l’impasse politique, économique, sécuritaire et humanitaire vers lequel nous conduit un régime ivre d’arbitraire, prêt à tout pour s’accrocher à un pouvoir qu’il exerce désormais par effraction.

Cher jeunes compatriotes, un avenir radieux vous attend. Il est fait d’opportunités, de liberté et de sérénité. Ensemble, nous pouvons parvenir à ouvrir une nouvelle page de l’Histoire du Cameroun. Il suffit, pour chacun, de poser le geste utile au changement. Ne laissez pas à vos enfants et petits-enfants les combats qui sont les vôtres aujourd’hui. N’apparaissez pas dans l’Histoire de notre Peuple comme la génération qui n’aura pas été à la hauteur des évènements, une génération passive et complice ; celle qui, par peur ou par égoïsme, aura sacrifié l’avenir des générations futures. Ce message est aussi l’occasion pour moi de saluer la jeunesse de la diaspora de notre pays qui s’est particulièrement mobilisée pour faire de ma tournée européenne et nord-américaine un succès historique. Une jeunesse dans laquelle j’ai trouvé d’importantes attentes relatives à leur participation au développement de notre pays.

Je ne peux clore ce propos sans me souvenir et vous dire qu’en tant qu’enseignant moi-même, je suis inquiet et indigné de voir progresser la violence en milieu scolaire. Tout comme je suis horrifié de voir qu’elle se concentre dorénavant de plus en plus sur les enseignants. Là aussi les solutions dont nous sommes les porteurs nous tardent à être mise en œuvre. Je condamne avec la plus grande énergie ce sacrilège qui a été commis sur ces enseignants violentés par des forces de l’ordre pour avoir simplement voulu rendre un hommage légitime et mérité à leur défunt collègue mort poignardé. Que ceux qui ont été les victimes de cet acte de barbarie inqualifiable et anti républicain acceptent ici l’expression de ma plus grande solidarité et de ma compassion émue. Vous ne méritez pas d’être ainsi traités.

Chers jeunes, prenez du temps, à l’occasion de cette journée de la jeunesse, pour méditer sur notre pays. La situation actuelle l’exige de chacun d’entre nous.

A la jeunesse camerounaise de l’intérieur comme de la diaspora, je vous réitère l’engagement pris pendant la campagne présidentielle du 7 octobre 2018: je ne vous trahirai jamais!

Vive la jeunesse camerounaise.

Vive le Cameroun.

Maurice KAMTO, Président élu.
Le 10 février 2020.