A l’issue du Sommet extraordinaire des chefs d’État et de Gouvernements de la CEMAC qui s’était tenu les 22 et 23 décembre 2016 à Yaoundé, il avait été décidé, entre autres, “d’ouvrir et de conclure à brève échéance des négociations bilatérales avec le FMI, pour mieux structurer les efforts d’ajustement” des États membres. Le Président de la République n’en dit pas un moindre mot dans son message à la Nation du 31 décembre 2016, alors même que tous ses homologues des pays voisins prévenaient leurs concitoyens des efforts à faire.
Bien avant cet aveu d’échec, le MRC avait souligné à suffisance le manque d’une politique économique cohérente du Gouvernement de notre pays.
Le MRC observait que l’absence d’une telle politique économique avait conduit à la destruction des entreprises et des emplois par une fiscalité à l’emporte pièce, à un chômage endémique qui frappe en particulier les jeunes, à un rythme insoutenable de l’endettement, au déficit structurel de la balance commerciale et de la balance de paiement, et à l’accroissement de la pauvreté.
Sur la base de ces analyses, le MRC annonçait aux Camerounais que, moins de dix ans après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative Pays Pauvre Très Endettés (PPTE) en 2006 et passé la dernière revue du FMI en septembre 2008, après 20 ans d’ajustement structurel dans la sueur et les larmes, leur pays allait, une fois de plus et sous le même régime, retourner au FMI.
Comme à son habitude, le Gouvernement avait réagi dès le 31 décembre au soir en assurant les Camerounais de ce que le pays ne connaissait aucune difficulté économique et financière, avançant le curieux argument selon lequel c’est par solidarité avec les autres Etats d’Afrique centrale que notre pays engagerait un simple ajustement budgétaire qui serait en tout cas indolore pour le peuple camerounais.
Le FMI vient d’accorder au Cameroun, le lundi 26 juin 2017, un crédit de 666,2 millions de dollars, soit environ 390 milliards de Frs CFA, en échange d’un programme économique drastique à mener sur trois ans. Ce programme, espère-t-on, vise à restructurer une économie en état de déliquescence avancée du fait d’un amateurisme structurel et d’une désinvolture du Gouvernement dans la gestion des affaires publiques, un Gouvernement en panne d’inspiration depuis des décennies. Un tour effectué au greffe du Tribunal Criminel Spécial – TCS – permet à quiconque de constater, au terme de l’addition des montants mis au débit de quelques “malheureux présumés détourneurs de deniers publics en disgrâce dans le système” cités au rôle d’une seule audience, que le Gouvernement n’avait pas besoin une fois de plus d’aller humilier notre pays au FMI, et d’imposer à un peuple camerounais déjà exsangue de nouvelles souffrances dont nul ne peut garantir qu’elles prendront fin dans trois ans, l’expérience du précédent plan d’ajustement structurel nous enseignant le contraire.
Sauf miracle, ce prêt, comme les précédents depuis plus de trente cinq ans, servira à soutenir le train de vie princier du Président de la République et de sa cour lors de ses multiples et longs “courts séjours privés” en Europe, à payer les voyages de complaisance et de plaisance des ministres et hauts fonctionnaires à travers le monde, à acquérir de grosses cylindrées pour corrompre les fonctionnaires des différentes administrations dans la perspective de l’année électorale importante qu’est 2018.
La chaîne bien huilée du système de corruption gouvernementale qui jouit d’une protection politique assumée est sans doute déjà prête à engloutir cet autre prêt pour lequel, une fois de plus, aucune réforme sérieuse de la gouvernance démocratique – sans laquelle aucun programme économique ne peut aboutir – ne peut être espérée d’un pouvoir manifestement dépassé. A l’atteinte en 2006 du point de l’initiative Pays Pauvre Très Endettés (PPTE), le Président BIYA déclarait «l’atteinte du Point d’achèvement est sans aucun doute une étape décisive sur la voie du redressement et de la relance de notre économie. Elle nous ouvre incontestablement des perspectives très favorables. Mais elle n’est en aucun cas une fin en soi, ni une panacée qui fera disparaître du jour au lendemain tous nos problèmes (…) Mes chers compatriotes, c’est une chance exceptionnelle qui nous est aujourd’hui offerte. Ne la laissons pas passer.» Il pouvait d’autant plus se montrer enthousiaste qu’à la faveur de l’initiative PPTE, toute la dette publique camerounaise vis-à-vis des partenaires au développement de notre pays était supprimée; les compteurs de cette dette étaient donc remis à zéro.
Le Président de la République liait la transformation de cette opportunité économique à une profonde mutation des mœurs politiques et des méthodes de gestion des affaires publiques. Son pari a doublement échoué. Non seulement «les perspectives très favorables» de l’économie sont aujourd’hui un cauchemar de chantiers inachevés ou abandonnés, mais le pays figure, comme avant l’atteinte du PTTE en 2006, en première place de toutes les études sur la corruption.
Le mensonge économique du Gouvernement vient donc de s’effondrer et les Camerounais peuvent réaliser que le redressement de l’économie nationale est devenu notre Mythe de Sisyphe.
Même si à l’issue du sommet des chefs d’États de la CEMAC des 22 et 23 décembre 2016, le ministre français des finances a tenu à affirmer que «le FMI n’est pas le même que celui des années 1990″ et qu’on a tous souligné la nécessité de préserver les programmes sociaux et les investissements qui permettent de soutenir la croissance et diversifier l’économie» , ces précautions ne suffisent pas à faire admettre qu’il peut y avoir des plans d’ajustement sans sacrifices.
Adieu les promesses de l’Émergence en 2035 ! Courage pour le retour aux années noires des coupes drastiques opérées sur le social, l’éducation, la santé, la recherche, la culture, bref sur tout ce qui touche au plus faible ou que le Gouvernement tient pour secondaire.
LE PRÉSIDENT BIYA ET SON GOUVERNEMENT, QUI SOUS UN MÊME REGNE AURONT AMENÉ DEUX FOIS LE PAYS AU FMI, NE SONT PAS POLITIQUEMENT COURAGEUX POUR TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES DE CET ECHEC ÉCONOMIQUE RETENTISSANT. VOUS, CAMEROUNAIS, ELECTEURS INSCRITS SUR LES LISTES ELECTORALES D’ELECAM, VOUS POUVEZ LIMITER LE CALVAIRE SOCIAL ET ÉCONOMIQUE DE NOTRE PEUPLE QUI ENTRE DANS UN NOUVEAU CYCLE D’AJUSTEMENT STRUCTUREL, EN VOTANT ENFIN DANS VOTRE INTERET, CELUI DE VOS ENFANTS ET DE NOTRE NATION.
Le Président National du MRC,
Maurice KAMTO
Yaoundé le 30 juin 2017